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En ce temps de confinement, préparer ce que pourrait être demain

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Voilà un mois que le confinement a été décidé dans notre pays par les autorités et il va se poursuivre encore au moins un mois. Outre les conséquences sanitaires de la pandémie, qui se traduisent par un nombre croissant de victimes dans les services de soin saturés et les EPHAD, ce confinement entraîne des conséquences sociales et économiques dont on ne mesurera le réel impact qu’après. Le Comité d'Animation fédéral du MAN souhaite vous associer à ses réflexions afin de continuer à créer du lien entre nous sur la base de nos orientations fondamentales.

1) Un contexte inédit

D’ores et déjà, ce minuscule virus révèle les fragilités, pourtant maintes fois dénoncées par nombre de personnes et de mouvements, dont le MAN1, du système économique capitaliste et néo-libéral qui prévalait avant la crise. Ainsi s’effondrent bien des secteurs économiques, et avec eux, bien des certitudes, à l’image de l’impressionnante récession économique française, mais aussi mondiale, qui caractérisera cette année 2020.

Face à cette crise profonde et ce désastre économique, les autorités pallient au plus pressé :

- gérer l’urgence sanitaire, à la fois en essayant de résoudre les problèmes auxquels sont affrontés les soignants (manque de structures, d’équipements et de personnels) et en prenant des mesures de confinement d’une grande partie de la population,

- organiser, autant que faire se peut, la continuité des activités essentielles (santé, alimentation, information des populations, gestion des déchets, etc.) en recourant, pour cause d’état d’urgence sanitaire, et avec l’assentiment du Parlement, à la promulgation d’ordonnances qui ne sont pas sans présenter des risques d’atteinte aux libertés et/ou au droit du travail,

- débloquer des fonds qui se chiffrent en milliards d’euros, tant au niveau national qu’européen, pour, nous dit-on, aider celles et ceux qui souffrent d’ores et déjà le plus de pertes (personnes ou entreprises privées en partie ou totalement d’activités), au risque parfois d’oublier celles qui étaient déjà les plus vulnérables avant (sans abris, chômeurs non indemnisés, étrangers non régularisés, etc.). Mais ces fonds doivent aussi, dans l’esprit de nos dirigeants, préparer la « sortie de crise ».

Ce qui apparaît déjà est que, en période de crise, des fonds importants sont ainsi débloqués, faisant voler en éclat un certain nombre de dogmes qui étaient encore récemment présentés comme immuables : déficit inférieur à 3 % du PIB et dette publique inférieure à 60 % du PIB2. Les prévisions actuelles de B Le Maire parlent de 7,2 % de déficit et 112 % de dette ! C’est pour le MAN une opportunité de changer enfin de paradigme !

2) Une opportunité à saisir

Tout est lié !

Cette crise révèle les failles du système sur lequel est basée la mondialisation d’avant : répartition mondiale des lieux de production industrielle et agricole, entraînant l’utilisation des moyens de transport les plus polluants, exploitation intensive des ressources non renouvelables (énergies fossiles, minerais, etc.), développement des paradis fiscaux, favorisant tant l’injustice sociale ici et là-bas que la dégradation du climat… et la multiplication des conflits.

« Cette crise nous montre que la mondialisation est une interdépendance sans solidarité. » (Edgar Morin).

Selon un sondage paru dans Libération, 70 % des Français se prononcent pour réduire le pouvoir des actionnaires, 68 % pour des nationalisations de secteurs stratégiques, 84 % pour des relocalisations, 88 % veulent défendre l’accès à l’eau, à l’air de qualité, à la biodiversité, 69 % veulent ralentir le productivisme et la recherche perpétuelle de rentabilité, 91 % veulent interdire toute fragilisation de l’hôpital, 85 % de la sécurité sociale…

Nous avons donc une opportunité à saisir pour construire une autre monde, basé sur un projet de société plus solidaire, en lien avec de multiples partenaires, en particulier de la société civile, et les multiples initiatives qui naissent ici ou là à travers la France et ailleurs. Pour que ce monde devienne solidaire de façon durable, il sera nécessaire que les membres de la communauté humaine se sentent reliés de façon implicite par des responsabilités réciproques entre ceux qui se perçoivent comme des créanciers et ceux qui devraient se concevoir comme des débiteurs. Ainsi, l'aggravation du réchauffement climatique exige une solidarité morale intergénérationnelle. Mais cette solidarité implicite doit aussi passer par des engagements contractuels explicites obtenus par un rapport de forces développant les capacités de négociations collectives au sein des sociétés démocratiques et entre sociétés démocratiques.

Les actions de solidarité, d’entraide et la créativité actuelles seront à cultiver. Et à ce sujet, le MAN a déjà réfléchi à ce que pourrait être cet autre monde3, en particulier dans deux de ses domaines de prédilection : l’éducation et la défense.

En ce qui concerne l’éducation, nous pouvons mettre en avant tous les outils développés au sein du réseau Éducation4, lors des « quinzaines » organisées chaque année depuis plusieurs années entre le 21 septembre et le 2 octobre. En demandant et obtenant l’agrément du ministère de l’Éducation Nationale, nous serions en mesure de faire profiter davantage d’établissements scolaires de ces outils, sans omettre ceux développés par d’autres (OCCE, ACNV, Génération Médiateurs, RYE, etc...). Il nous faut réfléchir à la manière de contraindre demain les autorités politiques à introduire systématiquement dans les programmes scolaires, de la maternelle au lycée, une formation à la grammaire émotionnelle, à la communication non-violente, à la gestion des conflits, etc.

Dans le domaine de la défense, qui est inscrit dans l’ADN du MAN, nous ne sommes pas sans ressources. Outre la lutte contre les armes nucléaires5 menée depuis 1974 (le MAN est membre de ICAN qui a reçu le prix Nobel de la paix en 2017 suite au vote par 122 États de l’ONU du Traité d’interdiction des armes nucléaires), et des actions menées contre la politique des ventes d’armes6 qui ne respecte même pas les règles, certes peu contraignantes, de l’Union européenne en la matière.

Il nous faut sans doute aussi remettre sur le métier le concept de Défense civile non-violente qui avait été ébauché dès 1983, et promouvoir le principe d’Intervention Civile de Paix (ICP).

Là aussi, il nous faudra, avec bien des partenaires, contraindre demain - ce qui ne sera pas sans difficulté, on s’en doute ! - les dirigeants et les responsables des entreprises du complexe militaro-industriel à remettre en question ce qui constitue encore aujourd’hui pour eux une « poule aux œufs d’or » ! Cela entraînera des reconversions nécessaires : nous pourrons nous appuyer sur certains exemples provoqués par la pandémie7.

De façon générale, le combat pour que le monde d'après ne ressemble plus au monde d'avant sera sans doute ardu, et peut-être long malgré l'urgence ! Il demandera à celles et ceux qui veulent que plus de justice sociale, ici et ailleurs, et qu'un autre avenir environnemental adviennent, une détermination sans faille.

D’ores et déjà nous pouvons signer la pétition contre le SNU (Service national universel)8 qui prévoit d’obliger chaque année près de 800 000 jeunes de 16 ans à subir dans une première phase un régime au caractère militaire affirmé, ce qui est tout à fait contraire à la préparation du citoyen de demain !

3) Que proposer dans l’immédiat à chacun-e de nous ?

Le confinement va encore durer, et le déconfinement ne se fera pas en un jour ! Nous proposons donc à chacun·e de se saisir des six questions proposées par le philosophe Bruno Latour, puis d’envoyer vos réponses , individuelles ou collectives, avant le 30 avril si possible, sur la plate-forme mise en œuvre par le MAN9. Une synthèse en sera faite et envoyée à B Latour.

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Voici ces questions et l’introduction rédigée par ce dernier :

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« Attention : ceci n’est pas un questionnaire, il ne s’agit pas d’un sondage. C’est une aide à l’auto-description*.

Il s’agit de faire la liste des activités dont vous vous sentez privés par la crise actuelle et qui vous donnent la sensation d’une atteinte à vos conditions essentielles de subsistance. Pour chaque activité, pouvez-vous indiquer si vous aimeriez que celles-ci reprennent à l’identique (comme avant), mieux, ou qu’elles ne reprennent pas du tout. Répondez aux questions suivantes :

Question 1 : Quelles sont les activités maintenant suspendues dont vous souhaiteriez qu’elles ne reprennent pas ?

Question 2 : Décrivez a) pourquoi cette activité vous apparaît nuisible/ superflue/ dangereuse/ incohérente ; b) en quoi sa disparition/ mise en veilleuse/ substitution rendrait d’autres activités que vous favorisez plus facile/ plus cohérente ? (Faire un paragraphe distinct pour chacune des réponses listées à la question 1.)

Question 3 : Quelles mesures préconisez-vous pour que les ouvriers/ employés/ agents/ entrepreneurs qui ne pourront plus continuer dans les activités que vous supprimez se voient faciliter la transition vers d’autres activités ?

Question 4 : Quelles sont les activités maintenant suspendues dont vous souhaiteriez qu’elles se développent/ reprennent ou celles qui devraient être inventées en remplacement ?

Question 5 : Décrivez a) pourquoi cette activité vous apparaît positive ; b) comment elle rend plus faciles/ harmonieuses/ cohérentes d’autres activités que vous favorisez ; et c) permettent de lutter contre celles que vous jugez défavorables ? (Faire un paragraphe distinct pour chacune des réponses listées à la question 4.)

Question 6 : Quelles mesures préconisez-vous pour aider les ouvriers/ employés/ agents/ entrepreneurs à acquérir les capacités/ moyens/ revenus/ instruments permettant la reprise/ le développement/ la création de cette activité ? »

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Nous comptons sur vous !

Le Comité d’animation du MAN


1 Cf. le Manifeste pour une Alternative Non-violente, texte de référence du MAN, en particulier le paragraphe VIII, et bien d’autres écrits du mouvement

2 "Fixer le projecteur sur le déficit d'une année donnée n'a guère de sens ; et le rapporter au PIB de cette même année lui en fait perdre un peu plus. Le ratio déficit/PIB peut au mieux servir d'indication, de jauge. Mais en aucun cas il n'a titre à servir de boussole ; il ne mesure rien : il n'est pas un critère. Seule a valeur une analyse raisonnée de la capacité de remboursement, c'est à dire une analyse de solvabilité : n'importe quel banquier (ou n'importe quel marché, ce qui revient au même) vous le dira." (Guy Abeille, ancien chargé de mission du ministère français des Finances)

3 Voir par exemple le texte de base du mouvement « Éthique et politique » ou, plus récemment « Tisser du lien social avec la non-violence »

4 Par exemple le parcours-expo « La non-violence, une force pour agir » et les fiches pédagogiques qui l’accompagnent, les fiches animation des commissions éducation des groupes locaux du MAN.

5 Dont on mesure plus encore aujourd’hui l’inutilité face à des menaces telles que terrorisme, changement climatique,… et désormais pandémie ! En se rappelant que les dépenses annuelles liées à ces armes seront portées de 4 milliards d’euros à 6 milliards d’euros d’ici 2025 ! Voir aussi la pétition sur le site du MAN (https://nonviolence.fr/campagneTIAN )

6 Sur les 5 dernières années, la France est le troisième vendeur d’armes dans le monde, ses clients étant principalement l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis et l’Égypte, pays éminemment « démocratiques » et pour les deux premiers engagés dans le conflit au Yémen

7 Des ateliers industriels sont reconvertis, provisoirement, pour fabriquer des matériels de réanimation, masques, etc.


Date de création : 15/04/2020 00:46
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